Arts plastiques

Un mur de Jocondes

Par HELENE RIVAL, publié le lundi 18 janvier 2021 20:29 - Mis à jour le lundi 18 janvier 2021 20:51
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Depuis la semaine dernière, ce sont pas moins de soixante Jocondes qui ont pris place sur le mur de la mezzanine et vous accueillent de leur sourire mystérieux...

Depuis décembre, les élèves de sixième travaillent en arts plastiques à partir du célébrissime portrait de la Joconde peint par Léonard de Vinci au tout début du 16e siècle.

Il s’agit tout d’abord de s’interroger sur les raisons de cette popularité. Qu’est-ce que ce tableau a donc de plus que les autres ?
« Elle nous suit des yeux ». Certes, mais c’est aussi le cas de nombreux portraits de la Renaissance, c’est même un moyen pour le peintre de rendre son modèle plus vivant.
« Elle a un sourire mystérieux », « elle s’appuie sur le bord du cadre ». Tout cela est vrai, mais là encore, un rapide examen des portraits de la même époque montre qu’il s’agit plutôt d’un effet de mode.
Alors ? Pourquoi donc tant de précautions et de « distanciation » lorsqu’on veut la voir au Louvre ? L’histoire est plus triviale : c’est surtout parce qu’un jour d’août 1911, des Italiens décident de voler la Joconde pour la rapporter dans leur pays que le tableau fit la Une de tous les journaux, lui donnant une célébrité inhabituelle pour une peinture !

Les élèves apprennent ensuite la technique du calque, une technique qu’on n’ose pas dire qu’on l’utilise parce qu’on craint de se faire accuser de fraude. Or, le calque permet de s’approprier un détail pour mieux créer ensuite ! En art, copier n’est pas tricher ! Il faut donc choisir un détail qui a particulièrement retenu l’attention, le reproduire avec toutes ses nuances, pour ensuite inventer sa propre Joconde. Et déjà, en décalquant, en appuyant plus ou moins, en transformant plus ou moins, en allant très vite ou au contraire très lentement, on voit se dessiner tout autre chose que le modèle… La Joconde de Léonard devient celle de Sarah, celle de Leelou, celle de Tristan, celle de Yazid…
Il n’y a plus qu’à accentuer ces ébauches, à rajouter des détails, des textures, des couleurs. À se demander si ce paysage brumeux de l’arrière-plan ne pourrait pas devenir une montagne japonaise ; si ces mains ne pourraient pas se multiplier ; si cette loggia ne pourrait pas se transformer en temple ou en tableau de bord d’une voiture…

 

Au fur et à mesure que ces Jocondes s’inventent, l’idée d’envahir un mur du collège avec devient de plus en plus évidente. Alors on organise un vote : il s’agit de choisir celles qui sont les plus abouties, les plus originales, les plus surprenantes. Et puis on écrit un cartel : on leur donne un titre, parfois on rédige même toute l’histoire qu’on s’est racontée pendant que le crayon courait sur la feuille.

Et le jour J arrive. On place d’abord celle qui a reçu le plus de voix : le Retour à la Nature de Tristan. Puis on cherche, au fur et à mesure, les points communs pour continuer l’accrochage : tantôt une couleur, tantôt une technique, tantôt (encore) un détail qui répond à un autre. Enfin, toutes les Jocondes s’alignent, sur le mur près de la vie scolaire : elles n’attendent plus que vous veniez découvrir leur histoire !